Très récemment, une résolution à été déposée à l'ONU par la France et la Grande Bretagne pour créer des couloirs aériens afin de protéger la population civile. Soit, sur le papier, la décision semble équilibrée et ne pas exprimer de volonté d'ingérence. Vu le passé américain,britannique et français,dont les armées ne se sont rarement gênés pour exploiter des conflits étrangers pour leurs intérêts propres, cela paraissait trop beau. En outre, à force de tergiversations, le colonel Kadhafi a repris du poil de la bête et détient désormais sous sa coupe presque toutes les zones que les rebelles avaient pu prendre d'assaut. Alors que les résolutions onusiennes ont honteusement traîné sur la longueur, il n'a fallu qu'une courte journée pour que les va-t'en-guerre sautent sur l'occasion pour réclamer à corps et à cri des opérations militaires contre la Libye. Kouchner au placard, on aurait pu espérer un peu plus de sagesse de la part des français. C'était mal connaître Sarkozy. Demande acceptée, sous les applaudissements du "philosophe" BHL. Et maintenant, alors que la position française semblait mesurée, elle tourne au n'importe quoi... Aider les rebelles en armement, les réapprovisionner en nourriture comme sur le plan médical aurait été une initiative louable et juste de la part des occidentaux. Par contre, engager une guerre militaire en pays étranger est la pire des erreurs. C'est d'une part déposséder une lutte de son peuple : la Libye est au peuple libyen. D'autre part, c'est prendre le risque de faire renverser la vapeur. Les libyens, à juste titre, seront intransigeants sur les crimes occidentaux qu'une intervention militaire engendrera obligatoirement. Les opposants du dictateur seront marginalisés, et le colonel pourrait en profiter, la corde patriotique à l'appui, pour reprendre du crédit auprès du peuple qu'il a bafoué pendant plus de 40 ans. Enfin, c'est le meilleur moyen pour que les plus riches s'ingèrent dans les affaires des plus pauvres, en particulier dans leurs ressources. Comme le disait très justement le souverainiste Jean Pierre Chevènement : "Avez vous déjà vu les faibles s'ingérer dans les affaires des forts ?".
On ne pourra guère m'accuser d'accointance avec le gouvernement Kadhafi. Je ne déborde guère d'affection pour les tarés sanguinaires qui planifient des attentats, que ce soit contre des civils d'autres nations comme à l'endroit de leur propre peuple. J'en veux à Kadhafi d'avoir humilier des centaines de jeunes femmes italiennes sur leurs terres. Je n'ai pas non plus apprécié son cirque pathétique à l'endroit du peuple Suisse. Pour finir (avec tout ce que j'ai oublié) j'ai également pu être consternée qu'il soit accueilli en grandes pompes par notre "Sarkozy (anti)-national". Comme la majorité des êtres de bon goût, ce type me débecte, et s'il n'en tenait qu'à moi, je m'en occuperai comme Garfield ci-dessous. Hélas, la réalité est bien plus complexe...

Après avoir voulu s'en débarrasser dans les années 80, les occidentaux ont ensuite collaboré activement avec le vieux colonel. Sans faire de mauvais jeu de mot, chacun en avait pour son argent. Les Etats-Unis trouvait un allié autour de la méditerrannée, l'Europe pouvait espérer qu'il régule l'immigration africaine de sa main de fer, et Israël était ravi de constater que l'ancien "révolutionnaire" se la coinçait et évitait le plus possible de prononcer le mot Palestine. Notre nouvel ambassadeur incompétent et rustre sur le sol tunisien, alors que le peuple Libyen subissait une forte répression, est allé jusqu'à prétendre que le colonel était un ami et qu'il le considérait comme un fils. Intéressant. Malgré un opportunisme évident, en rencontrant l'opposition libyenne, la diplomatie française aurait pu racheter ses nombreuses maladresses lors du printemps des peuples arabes. Néanmoins, nous ne savons pas assez sur les motivations réelles de cette opposition pour nous avancer. Ce qui est sur, c'est que par l'intervention militaire, la France se condamne et se fourre une fois de plus dans une situation très délicate. Elle devra en assumer les conséquences.

l'Elysée a bien fait de rencontrer le nouveau gouvernement libyen, mais il n'a pas respecté les limites de ses prérogatives en intervenant militairement

l'Elysée a bien fait de rencontrer le nouveau gouvernement libyen, mais il n'a pas respecté les limites de ses prérogatives en intervenant militairement
De son côté le colonel nargue les européens, et au centre de son viseur : "notre" président Sarkozy. Les mots clown et idiot ont été lâchés. Vu la politique internationale française, ces provocations ne sont pas sans fondement. On peut également remarquer que les répressions des peuples chiites d'Arabie Saoudite et du Bahreïn sont totalement passées sous silence par les médias, et par les politiques. Les occidentaux ont également été très discrets à évoquer la guerre civile du Congo, celle-ci ayant engendrée plusieurs millions de morts. On ne s'engage que dans les guerres qui rapportent. Rien ne dit que ce soit le cas ici...
De plus, et c'est un point essentiel, les ingérences en terres étrangères se sont révélés être des catastrophes. Malgré la bêtise de certains journalistes (et il faut voir comme la liberté de presse a été bafoué lors de la guerre du Kosovo), des bombardements ne sauraient être humanitaires. Le droit international a été littéralement bafoué sur la question de la souveraineté territoriale du Kosovo, et ce même par la CIJ, malgré le principe inaliénable d'intangibilité des frontières. Ajoutons à cela que les forces occidentales sur place n'ont absolument rien fait contre les dévastations et incendies de monastères, les pogroms anti-serbes et la situation d'urgence humanitaire dans laquelle restent encore aujourd'hui la population serbe du Kosovo. Kouchner n'a pas fait dans la dentelle, il a très clairement confié préférer le peuple Albanais. Ca a le mérite d'être clair, et de montrer le vrai visage de l'ingérence occidentale. Et n'allez pas le critiquer, il vous sortira son attaque ad personam fétiche : Vous êtes des vilains nazis antisémites --'...

Le droit d'ingérence a fini par bafouer les souverainetés nationales, dont en particulier celle de la Serbie.
Au Rwanda, les querelles tribales sont loin d'être réglées. Le tribunal international a simplement pris position pour un camp au détriment de l'autre. Pour en revenir aux guerres de Yougoslavie, le constat est immanquablement le même. America First. Les intérêts yankees ont été respectés, et c'est bien l'essentiel pour nos élites. Des témoins de crimes albanais ont étrangement disparu. Les prélèvements d'organes ont été tus pendant presque 10 ans. Vous me direz, le siège de l'ONU n'est pas à Washington pour des prunes. Et la nouvelle base américaine dans les balkans, tout le monde sait où elle se situe. Par contre, tout ce petit monde a été unanime pour condamner l'intervention russe en Ossétie du sud. Bonjour l'hypocrisie !
En dernier lieu, autoriser des frappes européennes ouvrirait une fois de plus la boîte de Pandore à d'autres excès. L'indépendance du Kosovo a engendré celle de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie. Qui nous dit que demain, comme les puissances occidentales se permettent de frapper un pays étranger, la Chine, l'Inde, le Japon, ou le Brésil, ne se permetteront pas d'user des mêmes méthodes au moindre différend avec leurs voisins ou concurrents ? D'ailleurs pourquoi s'en priver quand les arbitres du nouvel ordre mondial sont très loin de donner l'exemple ? Dans ces conditions, comment en "vouloir" à l'Iran de vouloir s'armer, quand on le menace clairement de guerre, comme l'a fait Kouchner, quand on laisse Israël coloniser à sa guise, ou quand on multiplie les graves désinformations à son sujet ? Son voisin irakien qui ne s'était pas réarmé (car l'Irak, au début des années 90, possédait bien des armes de destruction massive) a pu s'en mordre les doigts.
Pour toutes ces raisons, je suis contre les ingérences armées en terres étrangères. Une intervention militaire ne rendra service ni à nos soldats, qui tomberont comme en Afghanistan, ni aux résistants libyens qui seront décrédibilisés par l'intervention étrangère, ni à l'entente entre les nations.
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